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Et voilà, Vidéo en Poche c’est fini, le compteur s’arrête à 30237 copies vendues sans DRM sur clés USB ! À bientôt dans le cyberespace indépendant et surtout IRL dans les salles de cinéma :)Le 30 novembre à minuit, Vidéo en Poche a tiré sa révérence et retourne dans sa bouteille de ...

Stop Bolloré ! L'appel du collectif
Le collectif Stop Bolloré a vu le jour en décembre 2021 et rassemble des membres et des organisations de la société civile qui s’inquiètent de la concentration des médias et de l’édition en France et des dangers que cela représente pour la démocratie. Le projet du collectif, qui est poli...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°101 au n°117
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°101 au n°117   Samedi 17 avril Hier, fin N° 101. Juliette Binoche, 30 ans plus tard, et magnifique, dans un autre de ses plus beaux rôles. La musique, c’est le célébrissime Canon en ré majeur de Johann Pa...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°51 au n°100
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°51 au N°100 //////////////////////////////////////// Vendredi 26 février  Hier, fin N° 51. Saisissante. Tout comme l’est la séquence d’ouverture du film, qui montre la jungle s’enflammer sous les bombes a...

VAL ABRAHAM

(VALE ABRAÃO) Écrit et réalisé par Manoel de OLIVEIRA - Portugal 1993 3h23mn VOSTF - avec Leonor Silveira, Luis Miguel Cintra, Cécile Sanz de Alba, João Perry, Diogo Dória, Luís Lima Barreto... Scénario de Manoel de Oliveria, d’après le roman Vale Abraão d’Agustina Bessa-Luis. Version restaurée 4 K.

Du 10/07/24 au 06/08/24

VAL ABRAHAMTant de beauté, de style et de grâce font de Val Abraham une œuvre à nulle autre pareille. Film-fleuve situé à l’embouchure du Douro, cette transposition du Madame Bovary de Flaubert dans le Portugal contemporain est le portrait – intemporel et d’une modernité absolue – d’une femme prénommée Ema, entre ses quatorze et trente-cinq ans, à la poursuite d’un idéal d’amour. Manoel de Oliveira en eut l’inspiration en visitant le pavillon de Flaubert à Croisset, en Seine-Maritime, lorsqu’il imagina des similitudes entre les bords de Seine et les paysages de sa région natale de Porto. Il apprit alors que d’autres adaptations de Madame Bovary étaient en cours (dont celle de Chabrol) et refusa de se livrer à une reconstitution qu’il devinait trop coûteuse. L’intuition brillante d’Oliveira fut alors d’en commander une version moderne à la romancière Agustina Bessa-Luis et, ce faisant, de confier délibérément l’illustre destin d’Emma Bovary à la plume d’une femme. Agustina Bessa-Luis livra son roman, Vale Abraão, que Manoel de Oliveira remania entièrement pour établir ce qu’il cherchait à saisir : les mystères du désir féminin et la quête absolue de l’amour. Il en résulte une œuvre d’une infinie délicatesse, baignée de la lumière d’une femme maîtresse de sa sensualité et proie de ses passions, incarnée par la sublime actrice Leonor Silveira, qui trône sur le film comme une déesse mélancolique au-dessus des hommes, échouant à combler son idéal.

Le narrateur introduit Ema par sa ressemblance physique avec sa mère qu’elle perdit à l’âge de six ans. On dit très tôt d’Ema que sa beauté relevait d’une forme de génie. Elle vécut son adolescence recluse dans une grande propriété surplombant le fleuve, aux côtés d’un père strict et d’une tante dévote qu’elle se plaisait à contrarier par des propos impies et la démonstration de ses charmes. À la mort de ce morne chaperon, Ema se trouva vite mariée à Carlos Païva, un médecin déjà veuf qui ne lui offrit aucune vie de couple. Elle laissa alors éclore sa vie de séductrice et ne cessa de chercher chez différents prétendants la réponse à ses désirs : Nelson, ancien séminariste amoureux d’elle depuis l’adolescence ; Pedro Luminares, aristocrate beau parleur ; Fernando Osorio, riche propriétaire terrien ; ou encore le jeune Fortunato, modeste employé d’une propriété viticole. Habitée d’une soif d’absolu, Ema ne cessera d’opposer aux hommes, en actes et en paroles, sa conception de l’amour et sa vision poétique du monde.

Derrière des abords classiques, Val Abraham fourmille de procédés d’une étonnante liberté, qui rompent avec le propos de Flaubert. L’héroïne de Flaubert se nourrissait de romans pour échapper à sa morne condition et connaître les choses de l’amour. Celle d’Oliveira, lectrice de Flaubert à quatorze ans, ne place aucun espoir dans le réalisme : elle sait n’éprouver de désir qu’en imagination. Elle est un spectre, une pure lumière, cinématographique au plus haut point, splendeur inatteignable se reflétant dans le regard des hommes mais que nul ne parvient à capter. C’est pourquoi Val Abraham est d’une pudeur intégrale. La moindre étreinte en est bannie car sa sensualité est strictement mentale : tout n’y est que poésie, rêve et illusion. En témoigne la stupéfiante idée de faire physiquement vieillir tous les personnages au cours du film à l’exception d’Ema, que le temps n’effleurera plus dès l’instant où elle devient soudainement femme, le jour des funérailles de sa tante. Tout comme l’idée de ponctuer le récit des différents Clair de lune de l’histoire musicale (Beethoven, Fauré, Debussy, Schumann, Chopin), renforçant l’unité thématique et intemporelle du film. La mise en scène d’Oliveira excelle à construire des images mentales, analogies ou interférences, pour évoquer le désir et la sexualité dont le film est empli. Le plaisir des mots, singulièrement exalté par la mélodie de la langue portugaise, explore tous les rapports entre l’image et le texte, entre ce qui se voit et ce qui se dit, l’implicite et l’explicite. Autant de richesses au service de la fascination pour une femme, moderne s’il en est, qui avait « la capacité très rare d’illuminer le désir et de le faire courir comme un feu follet sur les cadavres de la virilité mythique et obstinée ». À mesure que la narration progresse, le film semble lui-même s’envelopper autour de son sujet et se consumer de désir pour son personnage et son actrice, figures de pureté auxquelles Manoel de Oliveira ne répond que par une mystique de la beauté, un absolu de l’art.