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SÉANCES BÉBÉS
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SORTIE EXCEPTIONNELLE EN AVANT-PREMIÈRE
(la sortie nationale du film est prévue le 2 octobre)

ALL WE IMAGINE AS LIGHT

Écrit et réalisé par Payal KAPADIA - Inde 2024 1h55mn VOSTF - avec Kani Kurusti, Divya Prabha, Chhaya Kadam, Hridhu Haroon... Grand Prix du Jury - Festival de Cannes 2024.

Du 31/07/24 au 13/08/24

ALL WE IMAGINE AS LIGHTC’est un de ces miracles de cinéma, un film qui, lancé sur les rails clairement identifiés d’un genre connu (et magnifiquement mis en scène), bifurque soudain pour vous emmener, stupéfait, les yeux écarquillés, sur des rivages inattendus que vous ne voulez plus quitter. Un film d’une douceur extrême, mélancolique et vivifiant, dont on peine à sortir, bien après que se sont effacées les dernières lignes du générique de fin. Vrai : ce film de la toute jeune réalisatrice Payal Kapadia, c’est du grand, du très grand cinéma !

Quelque part dans les entrailles de l’immense ville-fourmilière de Mumbai (ex-Bombay), dévorante, essentiellement nocturne pour ce qu’on en verra, deux jeunes femmes, toutes deux infirmières dans le même gigantesque hôpital, partagent un appartement. Chacune mène une vie réglée comme du papier à musique : un genre de métro-boulot-dodo à l’indienne, sans pause, sans vraiment de respiration, encadré par mille obligations, leur statut social, familial, communautaire… Prabha, l’à-peine plus âgée, impassible, cheffe des infirmières de son service, organise son quotidien autour de l’attente perpétuelle de nouvelles de son mari absent, pour ainsi dire inconnu : à peine célébré le mariage arrangé par les familles, il a prestement émigré vers l’Allemagne pour y vendre sa force de travail, sans depuis se préoccuper de l’épouse esseulée. Méticuleuse au travail, pondérée, pragmatique, (trop) consciente de ses devoirs, elle étouffe en elle toute envie, tout désir personnel – et repousse systématiquement en feignant de ne pas les comprendre les maladroites avances d’un médecin de l’hôpital. Un rien plus jeune, mais beaucoup plus délurée, ultra-connectée, sa colocataire Anu n’est pas bridée par les liens d’un mariage imposé. Pour autant, les amours presqu’encore adolescentes qu’elle tente de vivre en cachette sont contraintes, par les conventions sociales (elle est hindoue native du Kerala, il est musulman…) autant que par la pesanteur de la pression démographique qui empêche les jeunes amants, partout rattrapés par la foule, de trouver même fugacement un nid où s’aimer. Et puis, à la tangente des vies d’Anu et Pradha, qu’elle effleure sans y participer vraiment, il y a Parvaty. D’une autre génération, veuve, un peu en retrait, plus discrète, elle travaille aux admissions de l’hôpital et vit, seule, dans l’attente d’un imminent avis d’expulsion de l’immeuble en passe d’être démoli dont elle est la dernière occupante. La situation de Parvaty émeut Anu et Pradha, qui remuent ce qu’elles peuvent de ciel et de terre pour lui venir en aide. Mais ce qu’elles peuvent est trop peu et, rattrapée par son âge et ses faiblesses, Parvaty prépare ses bagages pour s’en retourner dans sa province d’origine, sur le littoral de Konkan.

Insensiblement, la réalisatrice déplace les enjeux d’un film de femmes dont la vie semble ne devoir tourner qu’autour des hommes – plus précisément autour de l’absence des hommes, qu’ils soient morts, absents, inaccessibles, littéralement intouchables. À travers ce trio hétéroclite d’héroïnes du quotidien, Payal Kapadia décrit avec force détails l’organisation sociale de la mégalopole à la fois moderne, industrieuse, et d’un traditionalisme étouffant, où la place d’une femme, le but de son existence, sont tout entiers conditionnés par la figure masculine. Avec une grande sensibilité, qui se glisse avec délicatesse dans les non-dits, dans les silences aussi bien que dans les brefs dialogues ou les longues discussions entre Anu et Pradha, le film raconte par petites touches impressionnistes une sororité du quotidien sans aspérité, sans vraiment d’échappatoire – mais pour autant sans pathos. Un peu à la manière qu’elle expérimentait dans son premier et magnifique film sorti chez nous l’an dernier, Toute une nuit sans savoir, documentaire hypnotique à peine teinté de fiction, la réalisatrice habille sa chronique d’une subtile poésie urbaine, où la densité étouffante de la foule se dilue dans la solitude individuelle, et où le gris du béton est bariolé des couleurs électriques de la vie nocturne. Jusqu’à ce que, contrainte par les événements, Parvaty embarque Anu et Pradha, comme par inadvertance, dans un chemin de traverse. En quittant Mumbai pour le bord de mer, loin du bruit et de la fureur de la cité, reconnectées à la – et leur – nature, les trois femmes entrevoient la possibilité d’une vie apaisée. Une douce parenthèse où elles peuvent s’autoriser, à travers les bois, au hasard des grottes, au gré des plages, de laisser librement s’exprimer leurs désirs, leurs choix de vie. Et le film change alors de tonalité, plus sensorielle, se teinte discrètement de merveilleux, se fait chrysalide pour accompagner leur mue. Et, loin du ciel bas, lourd, sans horizon de la ville, ce miracle de cinéma les accompagne vers la lumière. Et nous avec.